Croire à nouveau à la politique en France ?

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La désaffection des Français pour la vie politique ne peut pas être réduite à une seule cause, mais la perte du sentiment d’appartenance à une nation unie, autrefois entretenu par l’enseignement de l’histoire nationale, joue un rôle dans cette évolution. 

Parallèlement, la mondialisation, portée par les grandes entreprises transnationales qui imposent des modes de vie standardisés, et relayée par des médias qui nous présentent avant tout comme des citoyens du monde, contribue à distendre les liens qui nous unissent à notre territoire et à notre pays.

La remise en question de l’autorité, notamment à l’école1, dans le sillage des mouvements libertaires des années 1970 (« Il est interdit d’interdire »), ainsi que l’évolution des modèles familiaux, le déracinement des travailleurs de leur territoire d’origine et le développement de l’individualisme2, fragilisent le sentiment de partage de valeurs communes. Ce phénomène participe ainsi au délitement de la cohésion sociale3.

Quant à nos responsables politiques, ils se contentent généralement d’accompagner ces évolutions jugées inévitables et privilégient la sécurisation de leur avenir politique, préférant soutenir des idées susceptibles de leur rapporter des voix plutôt que de s’engager dans l’élaboration d’une vision fédératrice pour la société, une démarche certes plus compliquée. A leur décharge, ils n’ont plus toujours la maîtrise des grands enjeux, car les problématiques majeures, qu’elles soient économiques ou environnementales, ne peuvent plus être résolues à l’échelle nationale seule, mais exigent désormais des réponses coordonnées au niveau européen, voire mondial, dans un contexte de multi-polarité croissante.

Finalement je comprends le désintéressement des français pour la politique, constatant notamment l’impuissance ou la démagogie de leurs représentants.

Redonner du sens à l’engagement collectif et réinventer un récit commun à l’ère de la mondialisation et de la perte de valeurs partagées constituent sans doute le principal défi d’aujourd’hui, pour tous ceux qui croient encore aux vertus du vivre-ensemble4.

Plutôt que de prétendre proposer un but commun ou de fixer une destination précise, car comme le dit H.L. Mencken “Pour chaque problème complexe, il existe une solution qui est claire, simple et fausse.”, ne serait-il pas plus pertinent de tracer un chemin, en tenant compte à la fois de nos aspirations et de nos contraintes ?

On pourrait avancer vers une société où l’État redonne le pouvoir directement aux citoyens à un niveau pertinent, par exemple celui de la région5, tout en continuant d’assumer pleinement ses missions régaliennes par délégation des régions. L’État assumerait ainsi une fonction de coordination, en encourageant la collaboration entre ces entités et en leur assurant à la fois une autonomie d’action, un cadre réglementaire adapté ainsi que des moyens minimaux, si nécessaire. Cela leur permettrait de concevoir au mieux des dispositifs favorisant la cohésion sociale tout en intégrant les dimensions économiques, sociales et environnementales ?

Parallèlement nous développerions l’économie non marchande6, en co-existence avec l’économie marchande.
Dans notre monde essentiellement marchand, régi par l’argent de manière excessive7, un politique ne peut et ne sait agir que s’il dispose des finances nécessaires. Or, l’économie non marchande permet de s’en affranchir, tout en créant de la valeur économique, sociale et environnementale8?

1 L’ enseignant n’est plus perçu comme un « hussard de la République », mais comme un prestataire au service des parents, tout comme les médecins, vus par beaucoup comme des distributeurs d’ordonnances à la demande.

2Exacerbé par le marketing et la publicité (« Par ce que je le vaux bien ») et le numérique dont les RS, qui donne le droit à chacun d’avoir quelques instants de célébrité, confirmant ce qu’Andy Warhol aurait prédit : « À l’avenir, chacun aura droit à 15 minutes de célébrité ».

3qui se traduit par l’isolement relationnel, le mal-être psychologique (et les actes désespérés), le sentiment d’exclusion dans les zones rurales et les quartiers populaires.

4Les sociétés les plus résiliantes sont souvent celles qui parviennent à maintenir un haut niveau de solidarité et de confiance mutuelle.

5La région permet en général de tenir compte des solidarités de proximité, des spécificités culturelles et économiques, et de retisser le lien social et national à partir du vécu local. Mise à part l’Ile de France qui présente 12,5 millions d’habitants (plus que la Belgique), et la région Auvergne-Rhône-Alpes qui en a un peu plus de 8 militions, la plupart se situent entre 6 et 3 millions d’habitants. Ensuite la région dispose d’une forte capacité de résilience face aux crises environnementales, grâce à sa taille intermédiaire, à la fois suffisamment vaste pour être diversifiée et suffisamment proche pour être réactive.

6Elle englobe les biens et services gratuits ou proposés à des prix déconnectés des règles du marché pour le bénéficiaire, par l’Etat, des organisations (comme dans l’ESS ou les associations caritatives, par exemple) ou des particuliers.

7Selon Walter Benjamin dans Sens Unique :« L’argent se situant au centre de tous les intérêts vitaux, et ce d’une façon dévastatrice, et étant justement d’un autre côté la barrière sur laquelle vient s’échouer presque toute relation humaine, la confiance inconditionnelle, le calme et la santé disparaissent de plus en plus, dans le domaine de la nature, comme dans celui de la morale ».

8L’économie non marchande n’établit aucune relation de domination entre la sphère économique et celles sociale et écologique. Au contraire, ces sphères se renforcent les unes les autres.

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