Une économie pour et par les citoyens

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Les capitalistes sont les premiers à railler le modèle de l’économie planifiée. Pourtant ne s’en inspirent-ils pas au sein de leurs entreprises ? Ne planifient-ils pas leurs productions à partir du volume qu’ils pourront écouler, volume qu’ils détermineront à partir de ce qu’ils estimeront être le bon prix, compte tenu des couts de production et de la marge1 qu’ils veulent dégager ?
“Certes, répondront-ils, mais un entrepreneur sait mieux ajuster la production de ses produits aux besoins de ses clients, qu’un obscur fonctionnaire dans un ministère à Paris le ferait sur la production française pour répondre aux besoins de ses concitoyens”.

L’offre serait donc mieux ajustée aux besoins, alors que l’on sait que les ajustements tant en termes de production que de prix, si il y en a, sont loin d’être immédiats ?  
N’y-a-t-il pas des surproductions au point que les produits en surnombre sont jetés ?
Avez-vous vu le prix du tube de dentifrice baisser dans votre super-marché, parce que dans la semaine les clients en ont moins achetés ?
D’ailleurs ces ajustements sont d’autant plus faussés à l’avantage de l’entrepreneur que ce dernier peut compter sur la méconnaissance de l’ état du marché par les consommateurs (Il faut reconnaître que s’ils en avaient une bonne connaissance, il faudrait encore que, collectivement, ils aient le moyen de faire ajuster tant les prix que la production).
Certes avec ce système économique « nous » ne manquons de rien, ni du superflu… pour les « nous » qui peuvent se le payer.

Si nous nous intéressons à la manière dont les entreprises exploitent les ressources communes que nous offre la planète, ne peut-on dire qu’elle les pillent ? A leur décharge, le droit de la propriété privée n’impose en retour aucune obligation pour maintenir leur pérennité ; on peut acheter une terre, une mine, les épuiser et les revendre ou les abandonner.
Concernant la valeur du travail fourni pour produire, elle revient principalement au capitaliste qui n’a fait que « prendre le risque » de fournir les machines. Maintenant avec les réseaux sociaux, c’est la valeur même des données que nous leur fournissons tous qui est captée à leur seul profit !

N’y-a-t-il pas une voie médiane entre le capitalisme et le communisme dont on connait également les effets délétères. Ne pourrions-nous envisager un modèle plus démocratique où les citoyens, reprennent le pouvoir sur l’économie ?
Ils pourraient prendre part aux prises de décision portant sur :

  • Les orientations de l’économie (Expl. : développement de telle infrastructure, de tel type d’industries ou de technologies, ou de type d’innovations2, les relocalisations, l’aménagement du territoire ,…), en en débattant démocratiquement avec l’ensemble des autres acteurs du territoire.
  • L’exploitation de leurs ressources
    • Les communs : toute propriété d’une ressource commune détenue par une entreprise serait soit restituée à la collectivité, soit sa pérennité garantie (recyclage et/ou limitation du stock utilisable -dans la mesure où il est mesurable-) .
    • La régulation d’une partie de l’économie -couvrant les besoins dits de base-, par la planification des productions et des moyens pour les réaliser, ainsi que les prix, grâce à des négociations régulières entre les citoyens et les entreprises, sous l’égide des autorités.
    • Les informations déversées sur les plate-formes internet comme les réseaux sociaux, seraient rétribués indirectement -via l’impôt aux sociétés dans le pays européen dont est issu le citoyen qui fournit ces données-. Pour les données qui permettent de cerner le profil d’utilisateur à des fins notamment commerciales, il devra être possible d’en interdire l’utilisation.

Tout ceci s’inscrirait dans un Etat fédéral et les principes décrits ci-avant seraient alors déclinés à chaque niveau de gouvernance (Etat ou Région) en fonction de son périmètre d’intervention.

  • Ce système pourrait cohabiter avec un modèle d’économie non marchande qui aurait pris son essor dans les régions.
  • Les citoyens ne devront plus considérer l’économie comme un système qui fonctionne indépendamment d’eux, une machine sur laquelle ils n’ont pas prise, qu’ils en soient victimes ou même bénéficiaires.
    Notons au passage que la participation des citoyens, supposera qu’ils apprennent à ne pas abandonner leurs responsabilités aux mains des dirigeants. Ils seront aussi plus sollicités qu’ils ne le sont dans le système politique actuel.
    Sur ce dernier point, la technologie pourra nous y aider :
    • Avec Internet, les consultations demanderont à peine plus de temps que celui que nous consacrons déjà pour donner nos avis, pour noter tel produit ou tel service.
    • Ne pouvons-nous pas profiter des outils dites IA (de type LLM3), de leurs fabuleuses capacités de synthèse, pour fournir à chacun les informations nécessaires et suffisantes pour décider plus facilement -à condition de pouvoir mesurer le degré de validité de l’information- ?

Les obstacles pour parvenir à la généralisation d’un tel système sont multiples.

Présente-t-il quelque attrait pour les jeunes d’aujourd’hui ?
Se réapproprieront-ils l’économie ?
S’investiront-ils au point que la production demeure au juste prix pour le consommateur, à la juste rétribution pour le producteur et avec le plus faible impact sur l’environnement.

Ensuite, à une époque, où, pour reprendre la formule de la journaliste de Blast4, « on envisage plus facilement la fin du monde, que la transformation du système économique », peux-t-on espérer créer une dynamique suffisante pour effectuer ce changement de paradigme, pour aplanir non seulement les obstacles (les habitudes, la peur de l’inconnu, de sortir de sa zone de confort, d’y laisser des plumes,… la réglementation, les lobbys, la mondialisation,…), pour annihiler toute résistance, contrer l’inertie du système, mais aussi faire front contre les milieux financiers ou interlopes qui ne manqueront pas de s’opposer par tous les moyens à une mise sous tutelle de la source de leurs profits ? 

De toute manière si nous ne faisons rien, le capitalisme s’achèvera avec notre monde et le monde d’après aura l’opportunité de créer un nouveau système économique … ou pas.

1Ou Mark-Up en anglais

2Pour avoir des innovations qui intègrent les impacts environnementaux qu’elles génèrent, ne contribuent pas à l’addiction à la consommation, à la détérioration de la maintenabilité à portée de tous à cause d’une sophistication poussée de leur conception, au renforcement des inégalités par les moyens ou les connaissances qu’il faut avoir pour disposer ou utiliser cette innovation -à l’instar de la philosophie de l’innovation Jungaad, dite frugale-

3Large Model Langage

4Voir sur ce sujet les 2 vidéos suivantes de Blast :

L’économie post-capitaliste

Le techno féodalisme

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