Modes de soutiens financiers à la contribution

Différentes formes de soutien aux contributions citoyennes peuvent être mises en place ou sollicitées. En voici quelques-unes : 

1-Le budget participatif

Le budget participatif est un processus de démocratie participative dans lequel des citoyens peuvent affecter une partie du budget de leur collectivité territoriale, généralement à des projets d’investissement. Née en 1989 à Porto Alegre au Brésil, cette innovation démocratique s’est diffusée à travers le monde. Il peut aussi être mobilisé pour financer des projets contributifs citoyens. De nombreuses villes y ont aujourd’hui recours.

2-Le crowdfunding

Le crowdfunding – ou financement participatif – est une solution de financement citoyenne de projets de divers ordres et peut être mobilisé pour financer des projets contributifs, en complément, ou pas, d’autres modes de financement. Il permet aussi de tester l’intérêt d’une idée et de constituer une communauté de soutien.

Financement Participatif France (FPF) en donne la définition suivante : “le financement participatif est un outil de collecte de fonds opéré via une plateforme internet permettant à un ensemble de contributeurs de choisir collectivement de financer directement et de manière traçable des projets identifiés.” Pour en savoir plus, découvrez la vidéo de FPF : le cercle vertueux du crowdfunding

3-Les fondations territoriales

Les territoires, à l’instar des entreprises, peuvent monter des fondations territoriales pour soutenir leur développement pour mobiliser les acteurs locaux autour de la construction de projets collectifs créateurs de valeur au plus proche des besoins des habitants. La première initiative de cet ordre a eu lieu à Lille dans les années 80. Un exemple assez remarquable, repris d’un article de la 27° région, nous est donné par la Fondation du Dunkerquois Solidaire, créée en 2016 dans le cadre des Etats Généraux de l’Emploi Local. La fondation, construite avec les acteurs de l’emploi et de la solidarité et inspirée par le dispositif Territoires Zéro Chômeur de longue durée, est conçue comme un mécanisme inédit de collecte de fonds au bénéfice d’emplois nouveaux pour des chômeurs longue durée. La fondation fonctionne sur la base d’un appel à projets permanent, pour financer et accompagner, pendant trois ans, des projets d’utilité sociale créateurs d’au moins un emploi pour des personnes privées d’emploi depuis au moins deux ans. Aujourd’hui, ce sont 600000 euros qui ont ainsi été versés aux associations partenaires, lauréates de l’appel à projets permettant de créer 12 emplois. 100% des dons sont reversés au service des projets, la CUD (Communauté Urbaine de Dunkerque) prenant en charge les coûts de fonctionnement (salaire, communication, etc.). Ce projet de fondation, comme d’autres du même type, a conduit la collectivité à nouer de nouveaux liens avec les entreprises et a ouvert à de nouvelles formes de coopération et d’implication des acteurs économiques sur le territoire. On pourrait tout à fait imaginer une fondation tournée vers le soutien aux projets contributifs non monétaires.

4- Modes de rémunération alternatifs au travail

A l’heure où nous devons réduire la voilure de l’activité économique pour diminuer notre impact écologique et répartir plus équitablement la valeur économique créée tout en encourageant la création de valeur sociale et environnementale, il est nécessaire d’envisager d’autres formes de rémunération que celle offerte par travail salarié ou libéral. Pour cela, il s’agit aussi d’encourager financièrement des contributions échappant du cadre actuel marché

Toutefois, s’il est assez simple de rémunérer une contribution reconnue par la sphère économique, il apparaît plus compliqué de le faire pour des contributions relevant des deux autres sphères, car elles ne relèvent, pour la plupart, d’aucun modèle économique, elles peuvent prendre des formes infinies et sont difficilement « traçables ». Le risque est de créer, au milieu de cet océan de contributions, une usine à gaz et des règles frustrantes au sein desquelles personne ne s’y retrouverait. Une des solutions souvent défendues est contre-intuitive ou en tout cas à l’opposé de toutes nos pratiques actuelles : instaurer un revenu rémunérant a priori toutes les formes de contribution citoyenne ne relevant d’aucun modèle économique. Ce revenu ferait le pari de la confiance, de la capacité du plus grand nombre à se comporter de façon juste dans un système porteur de sens donnant la possibilité de « ne pas perdre sa vie à la gagner ». C’est le revenu universel.

5-Le revenu universel inconditionnel

Cette proposition est très largement controversée, sinon combattue, par les défenseurs de l’économisme. En effet, aux yeux du plus grand nombre, il n’est pas envisageable, en dehors des situations d’assistanat, de toucher un revenu sous quelque forme que ce soit, sans avoir à fournir un travail (ou avoir cotisé pour l’obtenir) ! Y déroger serait contraire au principe selon lequel chacun est rémunéré en fonction de sa contribution à l’économie. Ce serait par ailleurs, pour les tenants de cette croyance, la porte ouverte à la paresse et au désinvestissement. Sans incitation au travail, qui va vouloir faire tourner l’économie et surtout faire le « sale boulot » ? Chacun doit donc avoir un salaire en correspondance avec son mérite au regard d’une production. Dans ce contexte, les propositions de revenus non corrélés à un travail productif sont regardées, pour la majorité, au mieux avec scepticisme, au pire comme une hérésie.

L’approche du revenu universel, tel que nous les défendons, conforme à l’ambition d’une société contributive est, bien évidemment, celle tournée vers l’émancipation des citoyens. Elle est très éloignée de l’idée d’une société au sein de laquelle chacun étant assuré d’un revenu minimum, pourrait décider de s’en satisfaire ou l’améliorer en travaillant plus ou moins. C’est au contraire une société dans laquelle on libérerait du temps à chacun au travers d’une rémunération forfaitaire en l’invitant, dans ce temps libéré, à s’impliquer dans les espaces de création de valeur le plus en adéquation avec ses compétences et aspirations profondes. Autrement dit, l’allocation correspondrait à un droit à l’autonomie par laquelle chaque individu pourrait se consacrer à des activités porteuses de sens et à la vie démocratique. Le fait de rémunérer une personne de façon inconditionnelle pourrait non seulement l’inciter à prendre plus de risques entrepreneuriaux dans un champ économique tourné vers le nouveau projet de société, mais aussi constituer un vecteur de (plus) grande implication sociale et environnementale autour d’activités non rémunérées, susceptibles de créer de la valeur non marchande indispensable aux équilibres d’une société contributive.

Pour percevoir toute la puissance et l’intérêt d’un revenu universel comme outil d’émancipation, il faut non seulement dépasser les idées reçues, mais aussi l’analyser à l’aune du nouveau paradigme – ou nouvelle ambition sociale – dont il est le pendant : un projet de société contributive où, d’une part, les valeurs humaines et environnementales (re)deviendraient le centre de nos préoccupations et, d’autre part, où la recherche d’une autonomie individuelle et collective occuperait une place centrale. Ce nouveau cadre nous invite à remettre l’économie au service de l’homme en décorrélant, au moins partiellement, le revenu du travail. Une telle ambition n’a rien d’aberrant ; elle est au contraire plutôt saine si l’on enlève nos œillères, pour considérer avec sérieux les différents arguments développés quant à l’évolution du travail et les éléments apportés par les diverses expérimentations. C’est en tout cas un pari plein de promesses qui vaudrait le coup d’être tenté, a minima à travers une expérimentation.

Toutefois, si l’on considère, comme c’est notre cas, que la société n’est pas assez mure pour se mettre en place dès aujourd’hui un revenu universel inconditionnel, on peut aussi envisager de mettre en place des revenus conditionnels. Certains militent en effet en faveur d’un revenu rattaché à l’effort de contribution. En cette occurrence, au moins deux grandes options peuvent être envisagées : un revenu contributif et un revenu écologique.

6-Le revenu contributif,

Bernard Stiegler[1] voit clairement dans la possible raréfaction de l’emploi une occasion pour passer d’une société consumériste, qu’il appelle également « société de l’incurie », à une société contributive. L’incurie, au sens où il la définit, repose « sur la destruction systématique du soin » (car l’incurie est l’absence de soin). A contrario, une société contributive est celle où il est permis à chacun de participer à la création de forces de vie et à la reconstruction des capacités de régénération de la planète, en ouvrant des espaces d’initiatives favorisant dans le même temps la résilience sociale et la réalisation de soi, au sens du « deviens qui tu es » cher à Nietzsche : « Tu dois devenir l’homme que tu es. Fais ce que toi seul peux faire. Sois le maître et le sculpteur de toi-même. » Le tout, un peu à l’image de nos écosystèmes naturels dont la résilience est proportionnelle à leur capacité à produire et accueillir de la diversité. Cela passe, pour lui, par la mise en place d’un revenu contributif qui ne viendrait pas rémunérer la compétitivité de chacun, mais l’inventivité, la créativité et la contribution à l’élévation de l’intelligence collective. Ce revenu s’inspire du régime des intermittents du spectacle, qui alternent des périodes d’emploi salarié et des périodes dédiées à la formation et au développement de leurs savoirs au sens des « capabilités » du Nobel Amartya Sen. Il prend également modèle sur les pratiques du logiciel libre, qui repose sur une organisation du travail fondée sur le partage du savoir et la dé-spécialisation.

7-Le revenu de transition écologique (RTE)

Ce revenu est soutenu par la philosophe et économiste suisse Sophie Swaton et figure dans les 35 propositions de Retour sur Terre (Cf. bibliographie générale) dont elle est l’une des contributrices. À la différence du revenu universel, le RTE ne découple pas l’activité et les revenus, mais oriente les personnes dans des activités innovantes, liées à la transition écologique tout en encourageant la coopération et la solidarité écologiques. C’est plus globalement un outil destiné à accélérer la création d’emplois dans la transition permettant de développer et accompagner des activités à fort impact écologique au cœur de la société civile (par exemple en agroécologie, permaculture, artisanat, low-techs…). Ces activités ont souvent comme particularité d’offrir des rémunérations inférieures à leur valeur réelle pour la société. Cette rémunération compensatoire doit permettre à tous de s’y lancer et d’en vivre dignement. Ce revenu s’expérimente depuis 3 ans dans la commune de Grande-Synthe, avec l’appui de la fondation suisse ZOEIN, au sein d’une Coopérative de transition écologique (CTE). Cette structure offre un cadre sécurisé, un hébergement juridique et un appui pour pérenniser une activité adossée au statut d’« entrepreneur salarié ». Ce statut allie liberté d’initiative et protection sociale tout en « supprimant le lien de subordination aux objectifs du capital, au bénéfice d’une subordination à un collectif dans lequel “l’entrepreneur-salarié et associé” est décisionnaire ». Après avoir pris ses racines en France, ce revenu s’expérimente maintenant en Suisse dans les cantons de Vaud, de Genève et du Jura. À terme, ce revenu vise à créer un nouveau modèle économique, écologique et social adossé aux contributions du plus grand nombre. La rémunération des contributions y est une question centrale. Il doit aussi permettre aux activités émergentes de la transition de gagner en visibilité.

8-La Sécurité Sociale Alimentaire (SSA)

La SSA est une solution systémique, défendue par plusieurs collectifs et de nombreux paysans. Elle permettrait tout à la fois de favoriser l’accès à une nourriture choisie, d’offrir un revenu paysan digne et d’engager la transition agricole. Son objectif serait de « permettre un accès universel à un socle alimentaire, financé par une cotisation sociale en lien avec la production réelle de valeur ajoutée, dans le cadre d’un conventionnement entre des producteurs et des caisses gérées démocratiquement ».

L’idée de base, défendu par les collectifs paysans, est d’allouer à chaque citoyen un budget mensuel destiné à de la nourriture choisie collectivement, et reposerait sur des cotisations sociales prélevées sur la valeur ajoutée nationale. On perçoit facilement tous les bénéfices et l’intérêt d’une telle solution. La mise en place de cette solution très disruptive doit s’accompagner d’une vraie volonté politique. Elle ne pourra s’envisager que sur la durée au travers de l’acquisition de nouveaux savoirs et avec le concours des territoires qui auront à accompagner l’évolution des pratiques de production. Ces derniers auront en effet intérêt à travailler à la relocalisation de leurs productions et à contribuer à la construction de nouveaux rapports entre les producteurs et les consommateurs. Les territoires pourront pour cela s’inspirer des pratiques des AMAP où sont expérimentées, sur une fond d’éducation populaire, des façons de produire et partager des ressources selon des modes de gestion collectifs, créatifs et démocratiques, basés sur la réciprocité.

Pour en savoir plus sur ce sujet  : https://www.carenews.com/carenews-info/news/la-securite-sociale-de-l-alimentation-une-idee-qui-fait-lentement-son-chemin

[1] Bernard Stiegler et le collectif internation, Bifurquer, il n’y a pas d’alternative, Les liens qui libèrent, 2020

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