Le Travail

Dans notre société régie par l’économie chacun est sommé de travailler pour subvenir à ses besoins essentiels et contribuer à la vie économique. Nous ne rémunérons que le travail au travers d’un salaire ou des gains tirés directement tirés d’une activité que l’on exerce en propre. 

Les gains liés aux activités dites professionnelles sont donc le fruit soit du travail salarié, soit d’une activité dont le produit est source de profit. 

 

Au sein de nos sociétés néolibérales, ou plus largement celles dominées par la logique économique, le principal attendu des citoyens est le travail sans lequel nous ne saurions ni répondre à nos besoins matériels et immatériels, ni continuer à nous développer.  En contrepartie de ce travail chacun obtient une rémunération et un certain nombre de droits sociaux qui nous permettent de vivre de façon libre dans le cadre des lois de la république.

Mais ce que recouvre la notion de travail, au sens « d’une activité technique mobilisant des compétences destinées à répondre à des besoins » donnant droit à une rémunération, est loin d’être clair. Dans l’approche strictement économique actuelle, seules sont considérées comme travail les activités dites « productives » exercées individuellement ou dans les entreprises et plus largement dans les organisations (administrations, collectivités locales, associations, …). Pour dire les choses encore plus simplement, seules les activités dont le produit a une valeur d’échange sur le marché sont considérées comme du travail. Quid donc de toutes les activités dites « contributives » non rémunérées qui renvoient aux  activités domestiques en grande majorité exercées par femmes au sein du foyer (repas, courses, ménage, éducation des enfants, …) et celles plus traditionnellement exercées par les hommes (bricolage et autre) ; aux activités bénévoles exercées dans un cadre associatif, dans des tiers lieux ou dans la proximité de son voisinage ; à nos activités en lien avec le développement de communs et biens communs ; à nos activités sur les réseaux (dont certaines entreprises font pourtant leur miel). Toutes ces activités qui recouvrent la capacité à prendre soin sont, comme cela a été très largement démontré, le socle des activités productives (sans activité contributive non rémunérée, pas d’activité productive possible) et ne bénéficient pourtant d’aucune rémunération. Pourquoi ne leur réattribuant nous pas leur juste part en les qualifiant aussi de travail ? ».

En fait il apparait clairement que la définition du travail est avant tout politique. C’est en effet à la société de décider des activités qu’elle considère comme un travail, c’est-à-dire des activités qui justifient une rémunération. Autrement dit il lui appartient de définir « quel travail mérite salaire ? », car la frontière entre ce qui est du travail et ce qui ne l’est pas est loin d’être évidente et son appréciation ne doit pas être laissée aux seuls économistes. 

Dans une société donnant la priorité à son développement économique il n’était pas illégitime de rémunérer le seul travail productif en considérant que les modes de redistributions monétaires au sein d’un état et dans les foyers permettaient de rémunérer indirectement le travail “contributif”. Il suffisait pour cela de feindre d’ignorer les nombreuses injustices auxquelles ces choix économiques donnaient lieu (aliénation, dépendance, privation de possibilité d’émancipation, …)

Aujourd’hui, à l’heure où la logique de croissance économique sur laquelle nous fondons notre développement est devenue insoutenable, la centralité du travail productif est fortement contestée au bénéfice du nécessaire développement du travail contributif. En effet nous dit Paul Guillibert dans son livre, Exploiter les vivants – Une écologie politique du travail, (cf. Bibliographie générale)« les relations qui assurent la régénération des écosystèmes et des corps sont soutenables tandis que celles qui ne le permettent pas sont écocidaires. Les pratiques qui favorisent l’entretien des communautés deviennent ainsi plus importantes que les activités purement productives ». Une grande part de ce travail contributif, pourtant essentiel au fonctionnement de nos sociétés, n’est pas considérée comme un travail au sens économique du terme. De ce fait, cette part échappe à toutes formes de rémunération, alors même qu’elle constitue la base sur laquelle le travail productif doit s’opérer. 

Pour opérer ce nécessaire rééquilibrage entre les activités productives et contributives, il faut donc envisager d’élargir la notion de travail à une partie des activités contributives appartenant à la sphère infra- économique et inventer, dans le même temps, de nouveaux modes rémunération/financement de ces activités. Tout un programme.

(Crédit Images – Open IA – sous licence Creative Commons Attribution 4.0 (CC BY 4.0) )

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